Même Socrate a du mal à croire que l’acrasie puisse exister

Il est surprenant que l’acrasie soit si peu étudiée alors qu’elle n’a rien de nouveau puisque déjà dans les dialogues de Platon, Socrate s’entretenant avec Protagoras le sophiste, évoque son application. Selon l’auteur, ce comportement est d’ailleurs presque impossible tant il s’agit selon lui d’un non-sens : « vous avancez là une chose bien absurde, qu’un homme qui sait que ce qu’il va faire est mauvais, le fasse lorsque rien ne l’y oblige, et cela vaincu par le bien».

Socrate serait bien étonné de voir aujourd’hui François Dortier lui répondre dans la revue Sciences Humaines : « L’acrasie est le quotidien du fumeur, qui sait pertinemment que la cigarette est mauvaise pour sa santé – et son portefeuille – mais qui, pourtant, continue de fumer. Le constat vaut pour toute autre forme d’addiction (alcool, jeux, etc.), mais aussi pour d’autres comportements plus anodins ». Evoquer une action quotidienne pour un comportement acratique est lourd de sens car effectivement, cette notion est le lot de chaque individu, à l’exception des « Sages » qui alignent systématiquement leurs valeurs et leurs actes. C’est du moins ce que défendent Matthieu Ricard, Christophe André et Alexandre Jollien dans leur ouvrage « A nous la liberté ! ». 

Les situations où l’acrasie se manifestent sont donc quotidiennes : l’achat compulsif alors que le budget ne le permet pas, prendre sa voiture pour aller chercher le pain, alors que l’on n’a pas marché de la journée et que l’on sait que le sport est bon pour la santé, commander un livre en livraison alors qu’on essaie d’être plus écologique au quotidien, etc…

Soulignons que l’acrasie n’est pas une perte de contrôle, c’est au contraire un lâcher-prise qui conduit le sujet à agir contre son meilleur jugement sur un sujet bien identifié !